LA VOIX DU NORD – Chantal David | 05/01/2017

La fiche Interpol de M.C.S. avait donné d’emblée une couleur particulière à la découverte des douanes, le 20 octobre 2014 à Roncq sur l’A22 : 199 000 euros dissimulés dans une cache, entre le coffre et la banquette arrière d’une Audi A8. Le Chilien de 56 ans était signalé évadé par la Colombie, pour ne pas avoir purgé la totalité d’une peine de huit ans après avoir été arrêté avec huit kilos de cocaïne à l’aéroport de Palmira en 2010.

Mercredi, devant la JIRS de Lille, M.C.S. est poursuivi pour blanchiment de produits stupéfiants.

À ses côtés, pour les mêmes faits, R.F.P. 49 ans qui conduisait la voiture. Lui aussi est un personnage, fils d’un ancien ministre (transports commerce et industrie) du Surinam… « qui a été débarqué en 1986 pour corruption» précisera le président Jean-Michel Faure à l’audience.

M.C.S. a le physique de Marlon Brando sur ses vieux jours tandis que R.F.P., cheveux longs et barbichette s’exprime avec la gestuelle du professeur de Taî-Chi qu’il est devenu en détention.

Le premier se présente comme un « intermédiaire en tout » : or, pétrole, agrumes… fonction qui lui aurait fait sillonner l’Amérique du sud, le Liban, l’Irak, l’Iran… Son point d’ancrage demeure l’appartement de sa mère aux Pays-Bas.

Des traces de cocaïne sur les billets

R.F.P. vit entre les Pays-Bas et l’Espagne, n’a pas de casier judiciaire et se dit ingénieur développant des programmes pour crypter les conversations sur ordinateur ou téléphone portable… Un métier nécessitant un secret derrière lequel il se retranchera tout au long des débats. Car tous deux veulent bien reconnaître avoir passé les 199 000 euros en douce « pour échapper aux impôts» mais « l’argent a été légalement gagné par Raymond F.P. ».

Leur histoire est rocambolesque. M.C.S. raconte avoir été recruté pour aller acheter une Audi « aménagée » en Espagne où il rencontre son ami R.F.P. qui a justement besoin d’aller aux Pays-Bas récupérer un contrat à 199 000 euros. Les deux hommes seront interpellés sur le chemin du retour, M. ayant convenu avec R. de le ramener en Espagne.

L’affaire ira en appel

Pour le procureur Antoine Berthelot, les prévenus sont trafiquants de stupéfiants : sur des billets, il y a des traces de cocaïne, sur le téléphone de M., des conversations tendancieuses et parmi les relations de R., des professionnels du crime aux Pays-Bas. Il requiert quatre ans d’emprisonnement contre R.F.P. et cinq ans contre M.C.S.

La défense aura beau donner « une autre lecture des incertitudes de ce dossier » (Me Jérômine Armand), indiquer que « seuls quatre billets sur 3 980 billets portent des traces importantes de cocaïne » (Me Audrey Jankielewicz), le tribunal va au-delà des réquisitions en condamnant les deux hommes à six ans d’emprisonnement.

L’affaire ira en appel.