Franck Bazin | Publié le 26/10/2020| publié sur LA VOIX DU NORD
En défense, M. Jéromine Armand a bataillé ferme pour limiter la peine encourue par son client.
Florian Pappo, l’avocat général, a rappelé que, il y a encore peu de décennies, c’était la notion de « devoir conjugal » qui primait dans les relations au sein du couple.
Fort heureusement, le patriarcat recule et les droits de femmes commencent à être reconnus. Il a précisé la notion de viol conjugal, notant que c’est l’évolution de notre société qui a permis aux femmes de comprendre qu’une relation sexuelle imposée n’est pas acceptable. Le volet séquestration de la N. L., l’ex-épouse victime, ne faisant aucun doute, la principale question que devront se poser les jurés est : « Est-ce que le 13 août 2017, N. L. avait donné son consentement à une relation sexuelle ? »
Florian Pappo a rappelé que la victime s’est rendue chez les gendarmes directement après les faits, « ce qui donne plus de crédit encore à ses propos ». Et que le gendarme qui l’a reçue a déclaré par la suite : « J’ai su que c’était grave, elle tremblait, elle était choquée. »
Une peine dissuasive… mais qui vise la réinsertion
Après avoir un portrait, nuancé, de Sébastien D., il a précisé que la peine devait être dissuasive, punitive, mais permettre la réinsertion : « Quand il sortira de détention, il devra être accompagné, notamment dans son rapport aux femmes. Je vais demander une peine lourde, parce que la société doit se protéger. Mais pas démesurément lourde, pour qu’il puisse se réinsérer. » Et de réclamer 10 ans de réclusion criminelle, accompagné de 5 années de suivi socio-judiciaire et une inscription au fichier des délinquants sexuels.
Avant que sa collègue, Me Jéromine Armand, ne s’attache à corriger l’image que les débats ont donnée de leur client, en défense, Me Buissart va prendre l’argumentaire de l’avocat général à contre-pied : « Difficile de démêler le vrai du faux dans les témoignages de chacun. (…) Difficile d’appréhender ce dossier car on a tous un référentiel différent s’agissant de la sexualité dans le couple. »
Il a invité les jurés à « prendre le temps de savoir de quoi on parle quand on parle de la notion de viol : avoir un rapport sexuel avec quelqu’un qui n’est pas consentant ? Excusez-moi mais cette définition est un peu rapide. Si on veut condamner Sébastien D., il faut savoir s’il a conscience, au moment de la pénétration, de l’absence de consentement de son épouse ». Il demande l’acquittement pour les faits de viol.
La cour se retirera ce mardi matin pour délibérer. La décision est attendue en milieu de journée.
Lourde amende pour le témoin absent
La cour a attendu depuis lundi la venue d’un témoin, un proche du couple. Sauf que l’homme ne s’est pas présenté. La présidente a fait demander aux forces de l’ordre de rechercher cette personne et de l’amener à Douai.
La police s’est présentée à son domicile et sur son lieu de travail, une grande surface de bricolage, dès lundi soir : personne. Chou blanc également ce mardi matin à l’heure de l’embauche.
Situation anormale qui inquiète jusqu’à l’employeur du témoin. Il a expliqué, par téléphone, à la présidente, que l’employé ne s’est pas présenté au travail ni lundi ni mardi et n’a donné aucune explication.
La cour a peu apprécié ce manque de respect, aux personnes et aux textes. L’individu a été condamné à 1 500 € d’amende !
En son absence, la présidente a donné lecture de la déposition qu’il avait faite lors de l’instruction.
De la passion de l’adolescente au calvaire de l’épouse
N. L. était fort jeune quand ils se sont rencontrés. Encore adolescente. Sébastien D. est son premier homme, son premier amour. Passion, mariage, famille, tout va vite… mais ne dure pas.
En avril 2017, elle décide de prendre du champ, peut-être pas définitivement. Elle a déjà adressé des signes de sa lassitude, de son mal-être, à son époux : « Elle m’avait proposé d’aller voir ensemble un conseiller conjugal. J’aurais dû accepter. Je n’en serais pas là aujourd’hui. »
Car l’obsession sexuelle de l’accusé a une nouvelle fois été abordée ce matin : « Il voulait un rapport par jour. Quand il me touchait, je m’écartais pour lui faire comprendre que je n’avais pas envie. Quand il insistait, je me laissais faire. Du coup, il ne m’a jamais forcée. »
Est-ce ce qui s’est passé en août 2017, quand il a réussi à l’attirer dans une dépendance de sa maison de famille ? C’est la piste qu’a essayé de suivre Baptiste Buissart, conseiller de l’accusé.
La présidente De Jongh a remis les choses en perspective : « Dans votre vie de couple, vous est-il arrivé d’être à l’initiative de relations sexuelles ? » « Non, c’était toujours lui », confie N. L. Ce que reconnaît Sébastien D. en voulant nuancer : « Elle avait parfois envie aussi. »
Pour autant, pouvait-il savoir en cette journée d’été 2017 qu’elle ne voulait pas de rapport (ils n’en avaient plus eu depuis quatre mois) ? Elle dit qu’elle pleurait. Lui dit qu’il croyait qu’elle avait un rhume. Elle dit qu’elle était tétanisée. Lui : « Peut-être pas tétanisée mais pas réactive. »